Religion de l'art et théorie esthétique en Allemagne

Rainer Rochlitz

pp. 209-220

Kant est à l’origine de deux traditions esthétiques, l’une formaliste et positiviste, l’autre spéculative et romantique. Pour échapper à cette alternative, il faut séparer chez lui la fonction systématique du beau et la théorie rationnellement reconstructible du jugement esthétique. Lorsqu’il observe qu’il est contradictoire de dire : « Ceci est beau pour moi », il définit un principe de partage ; tous peuvent percevoir les raisons pour lesquelles une œuvre peut prétendre être réussie. La « religion de l’art » qui confère un statut ontologique au principe esthétique kantien renferme une part de théorie esthétique ; Schlegel ouvre la voie à une interprétation des œuvres qui n’en minimise plus la portée intellectuelle et qui sera développée par l’Esthétique de Hegel. Hölderlin, suivi par Nietzsche et Benjamin, inaugure un autre modèle riche en conséquences, celui d’une incarnation poétique, tragique, du beau kantien. Des penseurs juifs comme Lukâcs, Benjamin et Adorno ont transformé la contestation esthétique de la modernité en une autocritique de la raison occidentale dans le médium de l’art. C’est la fin de la voie « allemande » en esthétique, ouvrant la possibilité à une théorie de l’argumentation esthétique que Kant n’a fait qu’esquisser.

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.472

Full citation:

Rochlitz, R. (1994). Religion de l'art et théorie esthétique en Allemagne. Revue germanique internationale - ancienne série 2, pp. 209-220.

This document is available at an external location. Please follow the link below. Hold the CTRL button to open the link in a new window.